Web-novel : Plongée dans la création avec Edmond Tourriol, cofondateur de MAKMA
- thibaultgimel9
- 25 avr. 2024
- 11 min de lecture

Aujourd’hui, immersion dans la création de web-novels aux côtés d’Edmond Tourriol, cofondateur du studio MAKMA, studio spécialisé dans l’image et la bande dessinée dont les équipes interviennent à tous les niveaux de création, aussi bien graphiques que textuels, et de Flibusk, agence de développement créatif dont les premiers univers ont déferlé sur Neovel depuis la fin de l’année 2023.
À l’origine des scénarios des récits saisissants que sont Zeitnot, écrit par Talia Tourriol, Zombis Contre Zombis, écrit par Arnold petit et de Alligator Queen, écrit par Adeline Cast, aujourd’hui, Edmond Tourriol nous dévoile les secrets de son processus de création, se livre sur les grandes influences qui ont marqué son imaginaire créatif, et nous ouvre grand les portes de ses studios, dont les univers saisissants et très influencés par son idéal de liberté promettent de nous émerveiller.
Neovel : Après MAKMA, tu as récemment lancé le studio Flibusk. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur la création de ce studio et sur tes objectifs ?
Edmond Tourriol : Flibusk, c'est ce qu'on appelle une agence de développement de contenu créatif. C'est le résultat de nos échanges avec des studios coréens. En fait, ça fait 4/5 ans maintenant que l’on travaille sur du contenu coréen, ce qui nous a permis de rencontrer beaucoup de responsables coréens en France, en Corée, à la Foire du Livre de Francfort ou dans d’autres pays.
À force d’échanger avec eux sur ce qu’ils voulaient, sur leur manière de fonctionner, sur leurs objectifs et méthodes, nous nous sommes rendus compte que leur modèle était de créer ce qu'on appelle de l'IP, donc des intellectual properties, des créations originales, développées à 360 degrés à partir du web-novel, qui représente la brique principale et le premier récit pour construire la maison de l'IP avant de l’adapter à d’autres formats.
En partant de ce constat, on s'est dit que nous aussi on allait le développer pour essayer de répliquer le fonctionnement des studios coréens. Il se trouve qu'on a la chance en France d'avoir un écosystème qui est en train de se mettre en place, qui est en train d’évoluer, notamment grâce à Neovel, à votre volonté d’établir une plateforme de romans numériques, et ça ça nous parle parce que vous êtes Français et vous avez une ambition internationale, comme nous avec Flibusk, et finalement, on a beaucoup d'intérêts en commun.
Et donc, au départ, Flibusk, c’est la création au sein de MAKMA, où on réunit tous les savoir-faire de la bande dessinée, du scénario au dessin, à la couleur, au lettrage. Pour autant, MAKMA, on est des producteurs, et on est au service des éditeurs et des plateformes. On s'est rendu compte que si on voulait vraiment développer des IP, il fallait plutôt qu'on ait une agence séparée dont le but serait de développer des IP.
Et donc finalement, Flibusk, c'est notre agence qui développe les IP, et MAKMA devient prestataire pour Flibusk. Et dans quelques semaines, Flibusk va prendre son indépendance en tant que société séparée de MAKMA qui aura vraiment pour objectif de créer des IPs, de les élever et de les aider à se développer à 360 degrés.
Neovel : Tu es donc à l'origine des scénarios de Zeitnot, de Zombis contre Zombis, mais aussi d’Alligator Queen, web-novels publiés sur Neovel depuis le début de 2024. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur ton processus de création ?
Edmond Tourriol : Pour créer, tout part d’une carte mentale, une espèce de schéma en arborescence très visuel, et d’une idée centrale de laquelle va jaillir plein de petites idées qui vont engendrer à leur tour d’autres petites idées et ainsi de suite.
Le fait d'avoir une espèce de carte qui va matérialiser de manière géographique sur une immense feuille de papier me permet de naviguer dans mon cerveau à la recherche d’idées, et quand ces idées ne sont pas très éloignées sur cette carte mentale justement, c'est comme si des arcs électriques se formaient entre elles et qu’elles se rejoignaient.
Et en fait, ces associations qui se font par surprise sont génératrices d'idées. C'est comme si on se posait la question « Et si telle chose rencontrait telle autre chose, il se passerait quoi? ».
Au départ, je fixe une idée centrale sur la carte mentale pour aborder un sujet qui m’intéresse, et après, je lui fais prendre une direction. Par exemple, j'aime beaucoup parler de liberté. Pour moi, c'est vraiment quelque chose de très important : la vie ne vaut d'être vécue que si nous sommes libres. La plupart de mes histoires vont donc tourner autour du thème de la liberté, mais aussi de l’ambition ou du dépassement de soi.
Après avoir choisi un thème, lui avoir donné une direction, je lui donne un décor. Et il va y avoir différents décors possibles. Un décor, c’est comme un skin qu’on plaque sur la base d’une histoire.
Mon histoire, mon récit, mon IP, on peut imaginer que c'est un mannequin. Sur Z United, qui est mon webtoon de foot, on a plaqué un décor de foot. Sur Zeitnot, qui est un web-novel qui est édité chez Neovel en février, on a plaqué un décor de club d'échecs et de lycée. Sur Zombis contre Zombis, on a plaqué un décor entre historique et horreur avec des zombies.
Mais ce qui compte vraiment, derrière les décors, c’est l’histoire que l’on raconte. Et les histoires que j'ai envie de raconter, c'est des histoires qui vont traiter de la liberté au sens large, peut-être même de la liberté d'entreprendre et de se réaliser. D'ailleurs moi quand on me demande ce que je fais comme boulot, maintenant je dis que je suis entrepreneur. Avant je disais que j'étais scénariste ou créateur, maintenant je crois que je suis entrepreneur. Parce que comme dit mon associé Stephan, ce qui compte c'est d'être le scénariste de sa propre vie.
Neovel : Au delà de ce processus de création, quelles sont tes plus grandes influences et inspirations ?
Edmond Tourriol : Dans mes plus grandes influences, j'ai les BD que j'ai lues quand j'étais gosse. Parce que forcément, c'est des BD que tu lis, que tu relis, que tu re-re-lis. Les gamins adorent relire les trucs cent fois. Mes influences principales, c’est tout ce qui va être super-héros Marvel que j'ai dévoré quand j'étais petit dans le magazine Strange, les spéciales Strange, comme Spiderman ou les X-Men. Et plus précisément les X-Men de Chris Claremont dessinés par John Byrne, qui est vraiment ma saga préférée de tous les temps. C'est des trucs que j'ai lus quand j'étais gamin, quand j'avais entre 8 ans et 10 ans. Et ce que tu lis entre 8 ans et 10 ans, ça te marque pour toute ta vie. Donc ça c'est des influences capitales.
Au delà de ça, il y a la bande dessinée européenne : Astérix, Tintin, Gaston Lagaffe, Lucky Luke, les grands classiques.
Sinon, j’ai lu des centaines de romans. Quand j’étais gosse, j’en ai lu des centaines, notamment des bibliothèques roses et des bibliothèques vertes qui m’ont beaucoup parlé, dont toute la collection des Conquérants de l'Impossible par Philippe Ebly. C'était une bande de garçons qui vivaient des aventures incroyables sur la planète, mais aussi à travers le temps.
Et quand j'ai eu 17-18 ans, j'ai commencé à lire Stephen King, dont j'ai dévoré tous les romans.
Il me parlait, alors que ce gars-là avait à peu près l'âge de mes parents, finalement je me projetais complètement dans le monde qu'il nous décrivait, même si ça se passait sur la côte est américaine. Quand il mettait en scène des gamins, comme par exemple dans Ça, ou dans Christine, on sentait bien que c'était des gamins ou des ados de sa génération. Mais même s'il parle d'une génération qui était celle de mes parents, j'arrivais complètement à me projeter dans ces questions de jeunesse.
C’est à ce moment-là que je me suis dit que l'écriture, c’était universel. Les grands thèmes, finalement, peu importe le décor que tu plaques dessus, ce qui compte c'est l'histoire que tu racontes, c'est le message que tu veux faire passer. J’avais toujours voulu être auteur de bande dessinée, mais quand j'ai commencé à lire Stephen King, je me suis dit que je devrais peut-être être romancier. Je n'ai pas encore écrit de roman, pour l’instant, je co-produis des web-novels et je travaille avec des gens très doués qui les écrivent à ma place.
Neovel : C'est très intéressant par rapport à Stephen King et c'est vrai que ça se ressent dans tes scénarios, par exemple, dans celui d'Alligator Queen.
Edmond Tourriol : J'ajoute que dans mes influences très importantes, il y a aussi Michael Jackson. Quand j'avais 10 ans, le clip de Thriller est sorti. C'est un clip incroyable quand on le voit pour la première fois à l'âge de 10 ans. C’était une époque où on avait beaucoup moins accès à la télé, il n'y avait pas énormément de possibilités. Puis surtout, moi, mes parents, ils n'allaient pas forcément me laisser regarder des films d'horreur à la télé, alors qu'un clip de Michael Jackson, c'était jouable, d'autant que c'est mon père qui l'avait ramené sur une cassette VHS, qu'on avait regardée au magnétoscope.
Et dans ce clip, il y a une transformation en loup-garou, des zombies, de la danse, et, surtout, de l’angoisse, à la fin quand ils sont dans la maison et que les zombies arrivent de partout et que finalement, hop, Michael Jackson se réveille. Et la fille regarde Michael Jackson qui lui dit “Oh, mais non, t'inquiète, c'était qu'un rêve.”. Mais, après, il se retourne vers le spectateur. Il a les yeux jaunes, et il rigole avec ce rire démentiel.
Là, je me suis dit : en fait, le l'épouvante, c'est pas juste le gore et le sang. L'épouvante, c'est aussi ce qui se passe après dans ta tête une fois que le film est fini : est-ce que tu vas réussir à dormir ?
Et je crois que c'est tous ces souvenirs d'enfance qui m'ont donné aussi envie de raconter des histoires et aussi de faire peur aux gens. Pas juste pour leur faire peur, mais finalement la peur est un bon motif pour bouger. D'ailleurs c'est même une des motivations principales. Et c'est très dur de résister à sa peur. Sauf bien sûr si on est tétanisé et qu'on reste dans les phares de la voiture.
Mais voilà, c'est l'un ou l'autre. C'est comme dans la vie, ou tu te prends par la main et tu agis, ou finalement tu renonces. Et moi, je ne suis pas du genre à renoncer. Donc la peur, je trouve que c'est un bon moteur.
Neovel : Entre tous les web-novels dont tu as écrit les scénarios, Zeitnot, Zombis contre Zombis et Alligator Queen, lequel te ressemble le plus?
Edmond Tourriol : Là c'est assez facile : Zeitnot, même si toute ma vie est impactée par les zombies, depuis Michael Jackson et Thriller jusqu’à la série The Walking Dead que j’ai traduite en intégralité et dont le premier numéro est sorti le jour de la naissance de ma fille, Talia.
Donc, j'aurais pu dire Zombis contre Zombis, parce que c'est une histoire qui me trottait dans la tête depuis longtemps. C’est l’histoire de la révolte des esclaves en Haïti. C'est une histoire de liberté et c'est vraiment important pour moi. Mais pour autant ce ne sera pas Zombis contre Zombis.
Ça aurait aussi pu être Alligator Queen, parce que j'aime beaucoup la culture américaine, que j'ai baigné dedans, que j'ai appris à lire là-dedans. La culture qu'il y a en Louisiane, la culture cajun aussi. Et puis j'aime bien l'ambiance. Je ne suis jamais allé en Louisiane, mais ça fait partie de mes objectifs de vie. Et puis j'aime bien encore une fois le côté revanche de cette histoire, et le côté magique. J'en ai pas parlé jusqu'à présent, mais j'aime beaucoup tout ce qui est magie et je m’étais beaucoup intéressé au vaudou et à sa culture.
Mais clairement, celui qui me ressemble le plus c'est Zeitnot, parce que Zeitnot c'est l'histoire d'une jeune fille qui arrive dans son lycée en étant très sûre d'elle-même, convaincue que le monde lui appartient et qu'elle est la meilleure. Et finalement, elle est dans une situation d'échec parce qu'elle ne peut pas aller dans le lycée où elle veut vraiment aller. Pour y arriver, elle est obligée de relever des défis, mais elle se rend compte que ces défis, elle ne peut pas les relever toute seule. Et elle est obligée de s'entourer des bonnes personnes qui vont l'aider à apprendre à être une meilleure joueuse d'échecs.
Et je crois que c'est ça, moi, si je veux bien me reconnaître une qualité, c'est celle d'être capable d'identifier les bonnes personnes, et de m'entourer de la meilleure équipe possible pour aller loin. Je crois que c'est grâce à ça qu'on a réussi à faire ce qu'on a fait avec MAKMA.
Depuis toujours, je disais que je voulais être auteur de bande dessinée, mais finalement, si j'ai réussi à devenir un professionnel de la bande dessinée, ce n’est pas parce que j'étais doué en écriture ou parce que j'étais créatif. C'est parce que je me suis entouré d'une bande de copains qui étaient tous doués pour faire certaines missions dans le cadre de la création de bandes dessinées. Et c’est ensemble qu’on a réussi à relever tous les défis.
C’est aussi ce que je raconte dans le webtoon Z United : le succès et les qualités des membres de l’équipe qui s’additionnent pour aller bien au-delà des forces de chacun. C'est une alchimie qui se crée entre toute une équipe, et c'est la solidarité et l'amitié qui arrivent à soulever des montagnes.
Et je crois que c'est ça qu'on a réussi à faire avec Stephan, mon associé : mobiliser toute une équipe autour de projets communs et ambitieux, dans lesquels chacun a pu laisser exprimer son talent pour devenir meilleur au sein d'un groupe.
Et finalement, l'histoire de Tristana dans Zeitnot, c'est ça. C'est comment elle, très sûre d'elle-même et convaincue d'être très douée et d'avoir un avenir tout tracé, se rend compte que pour relever les défis que la vie va lui lancer, est obligée de s'entourer des bonnes personnes et d'écouter et d'apprendre et de se dire “ok, tu m'as tendu la main, je vais la prendre et on va avancer ensemble”.
Neovel : Pourrais-tu nous en dire un peu plus sur Alligator Queen, la dernière création de Flibusk disponible depuis quelques semaines sur la plateforme de lecture Neovel ?
Edmond Tourriol : Alors ouais, je vais te raconter un pan qui n'est pas évident pour ceux qui vont lire Alligator Queen. Je vais te parler des origines d'Alligator Queen, Alligator Queen n°0, parce qu'en fait avant de s'appeler Alligator Queen, c'était un projet, c'était même un comic book qui s’appelait Bayou Girl et que j'ai publié il y a une quinzaine d'années maintenant.
Il racontait l'histoire d'une fille qui s'appelait pas Isabella à l'époque, mais Marie, une pauvre fille se faisait violer dans un rite initiatique du Ku Klux Klan puis laissée pour morte dans un Bayou avant que sa mère qui pratique la magie vaudou invoque l’esprit du Vié Kikordi, un dieu crocodile vaudou qui fait partie des divinités nombreuses en Louisiane.
Sa mère invoque donc cet esprit, et, on le sait, souvent ces divinités, elles sont joueuses, et parfois tu les appelles à l'aide, mais elles viennent sans te rendre le service que tu imagines mais un autre service à la place, parce que ça les fait marrer.
Donc, le Vié Kikordi prend possession de l’esprit et du corps de la pauvre fille, et la transforme en fille mi femme mi crocodile. Et donc, elle est très forte et très dangereuse, elle se venge des jeunes qui l’ont agressée, rentre chez elle encore possédée, et dévore son père. Pas de chance, c'est le prix à payer pour avoir été sauvée. Sa mère, qui l'a sauvée grâce à son incantation est pour le coup responsable de la mort de son père.
Le comic book d’origine se termine là, et on voulait raconter la suite mais on ne l’a jamais racontée, parce que finalement le comic book n’a pas eu le succès escompté et on a décidé d’en rester là.
Mais c’est une histoire qui m’intriguait et que j’avais envie de continuer. Donc, finalement, on a décidé de faire un nouveau lancement. Plus qu’un relaunch, on a décidé de faire un reboot. On a appuyé sur reset, et on a relancé l’histoire. Et donc on a un petit peu remixé tout ça, mais l'idée de départ reste là. Et c'est Adeline Cast qui s'occupe de raconter cette histoire. Et je suis sûr qu'elle va pouvoir vous parler de sa version à elle.
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